Suite à la communication de la direction d’Altran le 22 décembre 2015, voici l’analyse de cette modalité nouvelle donne version 2 comportant un forfait mensuel 158 heures.
La communication de la direction Altran sur le projet d’accord
Les réunions qui se sont tenues ces dernières semaines avec les organisations syndicales ont abouti à un projet d’accord prévoyant, pour tous les collaborateurs préalablement en modalité 2 et rémunérés sous le PASS, une modalité de temps travail définie sur la base d’un forfait mensuel de 158 heures de travail avec 10 Jours de RTT.
La notion de forfait 
La Cour de Cassation, dans son arrêt n°10-12.848 du 22 juin 2011, énonce ceci :
"... la modification apportée aux bulletins de paie de l'intéressé en septembre 2006 faisait passer ce dernier d'un horaire forfaitaire de 38 heures 30 à un horaire hebdomadaire de 37 heures et, faisant l'exacte application des accords visés à la quatrième branche, qu'elle le privait du minimum de rémunération attaché à l'horaire forfaitaire..."
Elle lie donc le forfait en heures avec la modalité 2. Dans la communication de la direction, un forfait mensuel horaire de 158 heures est proposé. Or cela nécessité l'application des conditions de ressources de la modalité 2. Ce qui est incompatible avec les conditions de ressources des personnes ayant eu leur modalité revue par la décision de la Cour de Cassation du 4 novembre dernier.
Il faut donc remplacer le forfait par une durée fixe (horaires fixes) de 158 h mensuelles.
Par ailleurs, Syntec rappelle que l'esprit de répartition des salariés dans les modalités se définit en fonction des types de forfait mis en œuvre (pas de forfait, forfait horaire et forfait jour). Ce rappel est notamment présent dans le mémento n°2 de Syntec :
La loi a défini trois catégories de cadres selon des critères d’autonomie d’organisation et de durée du travail :
- Les cadres dirigeants (exclus des dispositions légales en matière de réduction du temps de travail à 35 heures)
- Les cadres intégrés (soumis à l’horaire collectif)
- Les autres cadres pouvant relever d’une durée forfaitaire de travail (qui ne sont pas des cadres dirigeants mais pas non plus soumis à l’horaire collectif)
La Cour de Cassation ne fait donc que reprendre cet esprit et invalide les forfaits liés aux modalités 1. Si la direction souhaite un forfait pour ces salariés, elle devra à minima passer par une modalité 2 et donc appliquer les minima de ressources associés. Mais elle peut retirer cette notion et tout fonctionnement associé au forfait.
La quantité de JRTT 
Cela nécessitera théoriquement 8,5 JRTT en 2016. La société prévoit d'en octroyer 10 ce qui est largement acceptable si on se base sur la modalité 1. Pour le calcul des 8,5 JRTT, voici le détail :
2016 : 366 j - 53 samedis - 52 dimanches = 261 j / 5 = 52,20 semaines, et 261j / 12 = 21,75 j /mois
158 h / 21,75 = 7,26 h / jours = 7 h 15 mn 36 s
Base modalité 1 : 261 j - 8 j fériés - 25 CP = 228 j / 5 = 45,6 semaines travaillées * 35 h = 1596 h travaillées en 2016
Calcul des JRTT : 7,26 * 228 = 1 655,28 => delta de 59,54 h = 60 h en trop / 7,26 = 8,26 j soit 8,5 JRTT
( les JRTT sont calculés en demi-journées selon la convention collective)
Le contingent des JRTT
Si on retient l'analyse des décisions de la Cour de Cassation 13-19.206 et 05-10.051, les JRTT attribués sont une compensation de l'augmentation du temps de travail (notamment en dissociant les jours de repos définis par l'employeur avec les JRTT à l'initiative de l'employé), les JRTT du contingent des salariés ne peuvent être inférieurs à ceux qui ramènent le temps de travail annualisé à 35h, donc 8,5. Ainsi dans les 10 jours de RTT accordé, 8,5 jours sont exclusivement à l'initiative du salarié, et tout ou partie des 1,5 jours peuvent être, après accord signé entre la direction et les syndicats, au contingent de l'employeur ou du salarié.
Cet aspect n'est pas neutre, car selon l’arrêt de la Cour de Cassation 13-19.206, l'employeur ne peut pas imposer la pose de JRTT du contingent du salarié. Et vu que la société souhaite définir des journées fermées, ceci ne sera possible qu'à condition que l'employeur dispose d'un nombre de JRTT alloué au contingent employeur suffisant.
La rétroactivité de l'accord
Par ailleurs, la rétroactivité des accords est interdite au regard de l’article 2 du code civil et du fait qu’ils ont un caractère législatif dans le fonctionnement d’une entreprise :
La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif.
Ainsi, l'accord, s'il est signé au 5 janvier sera applicable au 5 janvier. Les heures supplémentaires resteront dues du 04 novembre 2015 au 04 janvier 2016 inclus, ou plus si celui-ci est signé au-delà de cette date.
Il faut également faire attention au fait que la date d’application signifie que tous les documents et moyens sont conformes à cette date. Cela signifie que si des contrats sont à modifier par un avenant, l’application ne sera effective qu’à la date de signature de cet avenant. C’est dans cet esprit que l’on définit toujours un délai entre la signature d’un accord et sa date d’entrée en vigueur, permettant ainsi de réaliser et faire signer tous les documents relatifs à son application.
Conclusion sur cette deuxième proposition
Pour que l'accord soit valide, il faut :
- retirer toute notion et fonctionnement lié à un forfait
- définir les horaires fixes par établissements distinct en se basant sur les 158 h / mensuelles
- expliquer comment sont réalisées les 15 minutes 36 secondes par jours... limitées aux 158 heures mensuelles
- si besoin, définir le nombre de JRTT alloués à l'employeur en augmentant le nombre de JRTT total au-delà de 8,5
- faire en sorte que le contingent de JRTT alloué au salarié ne soit pas inférieur à 8,5
- appliquer l'accord à sa date de signature ou ultérieurement
- payer les heures supplémentaires dues depuis le 04 novembre (possibilité de saisie collective de l'Inspection du Travail par les DP en cas d'avis contraire)
Suggestions :
- changer l'horaire mensuel par un horaire journalier de 7h 15 minutes (157,6875 h / mois).
- Les DP devraient transmettre un courrier recommandé à chaque établissement distinct demandant la régularisation du paiement des heures supplémentaires depuis le 04 novembre. Si le retour ne va pas dans ce sens transmettre un courrier recommandé demandant aux inspecteurs du travail de chaque établissement distinct d'appuyer cela au regard de l'arrêt de la CdC du 4 novembre et de la communication interne.
Pour rappel, les DP sont les garants de l'application du code du travail et des législations en vigueur au sein des entreprises. Ils sont le relais des inspecteurs du travail dans les entreprises. Cela rentre donc pleinement dans leurs prérogatives, tel que le définit les références suivantes :
- Attributions : Articles L. 2313-1 à L. 2313-16 et R. 2313-1 à R. 2313-3 du Code du travail
- Moyens d’actions : Articles L. 2315-1 à L. 2315-12 du Code du travail
- Loi n° 2012-954 du 6 août 2012 (JO du 7 août)
- Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 (JO du 16)
- Décret n° 2013-1305 du 27 décembre 2013 (JO du 31)
La communication de la direction Altran sur le projet alternatif
Dans l’hypothèse où cet accord ne serait pas signé, nous travaillons sur une solution alternative, constituée d’un forfait mensuel avec des jours de récupération à prendre chaque semestre.
Analyse sur ce projet alternatif
Concernant la proposition alternative de la direction, elle est encore moins valable au regard de la décision n° 05-10.051 de la Cour de Cassation car elle correspond directement au cas condamné par la Cour de Cassation !
Les augmentations collectives de temps de travail doivent être compensées par l'octroi de JRTT et rien d'autre jusque 39 h. Au-delà, le mécanisme de suractivité / sous-activité est imposé. (Ce qui ne signifie pas que le mécanisme de suractivité / sous-activité ne peut pas être mis en œuvre en-dessous des 39 h).
La Cour d'Appel avait suggéré la mise en œuvre du paiement d'une partie de ces heures supplémentaires ou un congé compensateur et été débouté par la Cour de Cassation. Ainsi il n'est pas possible de convertir une augmentation de la durée collective de travail par autre chose que des JRTT.
Rappel sur les heures collectives de travail 
Les heures supplémentaires collectives sont interdites par la convention collective, l'horaire imposé est de 35h et chaque salarié (en dehors des contrats en modalité 3) n'a pas le droit de travailler plus de 35h en annualisant son temps de travail.
Les fiches de paie de chaque salarié doivent faire apparaître le nombre d'heures réalisées ou prévues car le calcul des cotisations sociales en dépend.
En résumé :
- Les salariés en modalité 2 devraient avoir sur les bulletins de salaire (qui sont mensuels) la notion de forfait de 166,84 h par mois pour 10% de plus que 35h.
- Les salariés avec le contrat de 158 h mensuelles devraient voir apparaître ce chiffre sur le bulletin de salaire comme valeur de base.
Le mécanisme de suractivité / sous-activité n'est pas ouvert aux contrats modalité 1. Les conventions de flexibilité liées à la sous-activité ou suractivité (inter contrat, ...) ne sont pas applicables à ces contrats.
Cette analyse est téléchargeable au format PDF.